Sauf rebondissements, l’économie sénégalaise devrait enregistrer un taux de croissance de 6,8 % en 2020, soit une légère hausse par rapport à 2019, estime la Banque centrale. Le déficit courant devrait également s’améliorer, même s’il reste négatif.

Dans le cadrage de la Banque centrale, en 2020, le taux de croissance du Sénégal devrait se situer à 6,8 % contre 6 % en 2019, a déclaré, hier, Ahmadou Al Aminou Lô après sa rencontre avec les Directeurs généraux des établissements financiers. Le Directeur national de la Bceao lie cette croissance au dynamisme du secteur tertiaire, aux investissements du Gouvernement, etc. Le déficit budgétaire devrait ressortir aux alentours de 3 %. S’agissant du déficit courant qui rend compte des relations économiques du Sénégal avec l’extérieur, il devrait s’améliorer, même s’il reste négatif. Ahmadou Al Aminou Lô a avancé que le Sénégal a besoin de l’épargne internationale pour financer sa balance des paiements. Son déficit est ressorti à 8,4 % en 2019 après 9,4 % en 2018, contre une norme communautaire de 5 %. M. Lô a expliqué ce déficit du compte courant par les importants investissements en cours au Sénégal avec l’importation des biens d’équipements, des produits alimentaires et la facture pétrolière qui continue de grever la balance des biens. D’où la nécessité d’œuvrer, selon lui, à l’autosuffisance alimentaire, notamment en ce qui concerne les céréales.
Toujours en 2020, le ratio de la dette sur le Produit intérieur brut est projeté à 53,5 % contre 53,7 % à fin 2019, pour une norme communautaire de 70 %. S’agissant des crédits à l’économie, elles continuent d’augmenter après un léger repli en 2018 de l’ordre de 5,9 %. « En 2019, nous escomptons une hausse des crédits à l’économie au secteur privé de l’ordre de 8,1 %. Cette hausse devrait se poursuivre en 2020 en atteignant 10,1 %. Nous nous attendons à ce que le système financier continue à financer l’économie », s’est réjoui M. Lô (voir ailleurs). Il a précisé que le niveau de financement de l’économie rapporté au Pib reste l’un des plus élevés en Afrique. « Au Sénégal, nous sommes aux alentours de 33 % », a précisé le Directeur national de la Bceao.

RÉCLAMATIONS DE LA CLIENTELE  : Les banques s’engagent à améliorer le dispositif de prise en charge

Au sujet des relations avec la clientèle, Ahmadou Al Aminou Lô a indiqué que les banques ont décidé d’améliorer le dispositif de traitement des réclamations. « Même si ce dispositif est bon, il est indispensable qu’il soit renforcé. Les banques ont également décidé de mettre en place un cadre de concertation structuré avec les Associations de consommateurs », a-t-il dit. Toutefois, M. Lô a estimé que cela doit se faire dans « l’objectivité et le professionnalisme ». « L’appel a été fait pour que cela soit des associations consuméristes reconnues par l’État et qui ont un fonctionnement collégial », a déclaré le Directeur national de la Bceao. Il a indiqué que certaines réclamations, comme celles portant sur les cartes Gab, devraient être prises en charge avec célérité. Pour améliorer le dispositif de prise en charge des réclamations de la clientèle, Mamadou Bocar Sy, le Président de l’Association des professionnels des banques et établissements financiers (Apbef), dit miser sur la communication et l’éducation financière. Il a aussi invité la presse à jouer sa partition dans l’information et la sensibilisation.

LUTTE CONTRE LE BLANCHIMENT D’ARGENT  : Le dispositif bancaire jugé satisfaisant

Faisant la situation du dispositif de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme pour la partie concernant les banques, le Directeur national de la Bceao a apprécié les efforts des établissements financiers pour être aux normes internationales. Il a révélé que l’État du Sénégal subira, à nouveau, une évaluation en 2020. « Comme les banques sont aussi au centre du dispositif, nous avons procédé à une évaluation de l’état de préparation qui est satisfaisant », a dit M. Lô.
Dans la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, tous les États sont évalués périodiquement sur la robustesse de leur dispositif.

Augmentation des injections de petites coupures et pièces

L’approvisionnement en billets de banque de petites coupures et en pièces de monnaie de la clientèle a été également évoqué lors de la rencontre trimestrielle entre le Directeur national de la Bceao et les Directeurs généraux des établissements financiers. Selon Ahmadou Al Aminou Lô, la Banque centrale a renforcé de plus de 26 % les injections de billets de petites coupures et de presque 43 % les injections de pièces de monnaie. Il a fait part du transfert progressif de l’ensemble de la clientèle institutionnelle vers les banques. « Nous allons procéder, au cours de l’année 2020, au transfert progressif de l’ensemble de la clientèle institutionnelle de sorte que la Banque centrale puisse rester avec la clientèle non bancarisée », a-t-il fait savoir.
M. Lô a salué l’effort des banques pour mettre fin à la commercialisation des billets et de la petite monnaie. « Elles ont répondu fortement puisque la clientèle qui avait l’habitude de venir à la Banque centrale est en train d’être transférée dans les banques. À date, un tiers de cette clientèle est désormais servi par les banques sans aucun frais à leur guichet, et ces dépenses sont supportées par les banques », s’est-il félicité. « Il y a une hausse de 120 % de l’approvisionnement des banques à nos guichets billets de petites coupures et en pièces de monnaie. Ceci témoigne de leur engagement à continuer sur cette base », a ajouté Ahmadou Al Aminou Lô.

Situation du système bancaire à fin 2019 : Les crédits en hausse de 8 % comparé à 2018

Évoquant la situation du système bancaire à fin 2019, le Directeur national de la Bceao a révélé, sur la base des chiffres provisoires, que les crédits ont augmenté de 8 % comparé à 2018, pour s’établir à 4881 milliards de FCfa. Les créances en souffrance, c’est-à-dire les crédits qui n’ont pas été payés à temps, représentent 13,8 % de l’ensemble des crédits, a ajouté Ahmadou Al Aminou Lô. Cela constitue une préoccupation pour le régulateur et les établissements financiers.
Selon M. Lô, les créances en souffrance sont de l’ordre de 732 milliards de FCfa -chiffre brut-. Le taux net est de 5,9 % parce que les banques en ont provisionné une bonne partie. « Cette situation interpelle la résolution dans la célérité des contentieux bancaires au Sénégal », a-t-il dit. Se félicitant du travail du Tribunal de commerce hors classe de Dakar qui a traité quelque 3000 dossiers en 2019, Ahmadou Al Aminou Lô a exhorté à une poursuite de la dynamique. Il a émis le vœu que cette juridiction soit renforcée en moyens et qu’elle puisse aussi hériter des dossiers qui sont dans les tribunaux de grande instance. L’État du Sénégal, a-t-il rappelé, s’est engagé à modifier la loi sur le Tribunal de commerce pour lui permettre d’hériter des anciens dossiers et d’accélérer la procédure de résolution des contentieux. « L’année dernière, il a traité environ 3000 dossiers dont l’essentiel venait du système bancaire.
Concernant toujours le système bancaire, M. Lô a indiqué qu’une attention particulière est portée à la cybercriminalité. « Les banques ont actuellement des programmes restructurés en relation avec la division en charge de la cybercriminalité pour renforcer davantage leur dispositif. La cybercriminalité est un phénomène mondial pour lequel il doit y avoir une réponse collective et non individuelle », a-t-il rassuré.

M. GUEYE